Entre 1914 à 1918, 11 millions de soldats furent tués dans un affrontement sanglant qui changea à jamais la société du 20ème siècle. Depuis 2014, le centenaire de la première guerre nous donne l'occasion de nous souvenir de ce moment douloureux de notre histoire.
La Loire, terre peu militarisée, où vivaient principalement des ouvriers et des paysans, a largement contribué à fournir les forces mobilisées sur le front. A Saint-Etienne, le 38ème régiment d'infanterie, composé d'une majorité de soldats de la région, était une unité très populaire. Il était situé à la caserne Rullière, au cœur de la ville dans laquelle il effectuait régulièrement revues et défilés. A lui seul, ce régiment perdit 1500 hommes sur les fronts de Lorraine, de l'Oise, de l'Aisne et de Verdun. Plus au Nord, à Grouchy, était caserné un régiment de cavalerie, le 30ème dragon. Au Sud, à Desnoettes, stationnait le 16ème régiment d'infanterie, dont le bataillon était cantonné à Montbrison dans la caserne de Vaux. Ce dernier s'est particulièrement illustré pendant la première guerre mondiale, obtenant trois citations à l'ordre de l'armée. Parti de Montbrison dès le 6 août dans des wagons fleuris, le 16ème RI perdit entre 1914 et 1918, 65 officiers, 147 sous-officiers et 2151 soldats. Parmi ses morts "pour la patrie", l'archéologue Joseph Déchelette, qui avait rejoint volontairement à 52 ans le 104ème régiment d'infanterie territoriale. Durant toute la durée du conflit, on estime à 137 144 le nombre d'hommes mobilisés sur les trois principaux bureaux ligériens, dont 32 000 pour le seul arrondissement de Montbrison et le reste sur les villes de Saint-Etienne et de Roanne. Selon le ministère de la défense, 19 401 soldats nés dans la Loire auraient été tués durant ces quatre années d'horreur.
Alfred Goutte, cultivateur est né le 1er février 1882 à Machézal, de parents cultivateurs, de Benoit Louis Goutte, propriétaire et de Françoise Antonine Labruyère, ménagère. Le 26 octobre 1908, à 26 ans, il épouse à Pontcharra-sur-Turdine (69), Antonia BRAILLON. Il vivra la grande Guerre jusqu'en mars 1916. Incorporé en 1914 à 32 ans dans le 98ème régiment d'infanterie de ligne qui était, quant à lui, à la veille du 4 Août 1914, basé à Roanne à la caserne Werlé et à la nouvelle caserne Combes, Alfred Goutte décédera le 16 mars 1916, à l’âge de 34 ans à Mort-Homme (Meuse). Son certificat de décès fut rempli par l'armée, le 30 septembre 1916. On peut lire sur ce document qu'Alfred, simple soldat est "mort pour la France" il sera inscrit simplement "Tué à l'ennemi. Aucun autre commentaire sur la fin tragique de ces hommes.
La Violente attaque contre le Mort-Homme
Le site du Mort-Homme tout comme celui de la Côte 304 furent le terrain de violents affrontements. En effet, de ces deux buttes les états major de chaque armée pouvaient dominer le théâtre des opérations. Le contrôle de ces buttes donna lieu à des combats particulièrement meurtriers des deux côtés. La bataille va durer 10 jours, du 6 au 16 mars 1916. Elle se finira par une victoire Allemande au terme d'une boucherie. La France ne récupèrera cette position que le 20 aout 1917 à la suite de combats tout aussi sanglants. Au total on estime que 10 000 poilus y ont perdu la vie, dont Alfred.
Le Petit Journal Illustré, quotidien de l'époque relayait une information officielle, qui ne reflétait pas toujours la réalité afin de ne pas susciter une trop grande démoralisation de la population. Il évoque ainsi ce jour là une "violente attaque contre le Mort-Homme, les Allemands sont repoussés avec des pertes importantes" ou encore : "Un jour à Verdun, Morte d'apparence, plus vivante que jamais". Selon les communiqués officiels il y aurait eu une "concentration de feux sur les organisations allemandes en Argonne, après un bombardement très violent de notre front Béthincourt-Cumières, forte attaque contre nos positions du Mort-Homme, les vagues d'assaut ont dû se replier vers le bois des Corbeaux, sur la rive droite de la Meuse, l'activité de l'artillerie a redoublé"; Cette bataille entraine la démission du Général Gallieni, le Général Roques lui succède au Ministère de la Guerre.
Un autre témoignage d'un soldat du 98ème, le même régiment que celui d'Alfred donne une vision plus juste de l'enfer de la guerre. "Le 14 mars est peut-être la journée où nous avons reçu le plus d'obus de toute la guerre. Sur notre petit front, les observateurs de l'arrière ont compté à peu près 120 coups par minute, ce qui fait 50 000 obus en 6 heures. D'une section, il reste trois hommes qui refluent vers leurs camarades; le capitaine les cingle de cette apostrophe : «La 4e section ne fait pas son devoir !» et les trois pauvres bougres retournent en position à côté des cadavres de leurs camarades. Sur 12 mitrailleuses, il y en a 11 hors service. Les hommes sont fatigués mais non démoralisés. «Vivement qu'ils attaquent, disent-ils, au moins on ne sera plus bombardés.» Enfin, la préparation d'artillerie étant jugée suffisante par l'ennemi, celui-ci se lance à l'attaque. On le repousse à la baïonnette. Pas un pouce de terrain n'est perdu». Jean Vichy, caporal-brancardier, 98e régiment d'infanterie en ligne à droite du Mort-Homme en mars 1916.
Ref : “Nos ancêtres dans la Grande Guerre” : http://geneanet.org/14-18